Quand sorcière devient un métier
Symbole féministe depuis les années 1970, adolescente cool dans les 90's, la sorcière est partout et inspire désormais de nouvelles vocations professionnelles.
On pourrait peut-être bientôt cocher la catégorie “Sorcière” sur Pôle Emploi. Car oui, fabriquer des potions, tirer des cartes ou réaliser des rituels sous la pleine lune, c’est désormais un métier à part entière.
Récurrente dans la pop culture et la littérature, on ne présente plus les différentes facettes de la sorcière moderne. Guérisseuses, voyantes, divinatrices, astrologues ou herboristes, leurs appellations varient selon leurs spécialités et le contexte culturel.
Figure féministe et symbole de puissance, elle est aussi une entrepreneuse. Dès 2012 en Roumanie, la sorcellerie a été reconnue comme une profession légale. Une manière de prélever des impôts sur une pratique plus ou moins répandue et normalisée dans le pays.
Witches 3.0
Dans un savant mélange entre coach de vie, influenceuse et créatrice de contenus, c’est surtout en ligne que la magie opère. Sur Instagram, le désormais célèbre hashtag "witchesofinstagram"compte plus de 6 millions de publications à l’heure où j’écris ces lignes.
Comme leurs doyennes, les sorcières 3.0 proposent des services tarifés, des guides pratiques, et des produits essentiels en e-commerce.
Pauline, aka @thegilmorewitch, a lancé en février 2020 sa propre ligne de thé artisanale sur Etsy. Une petite entreprise devenue son activité principale : “J’y mets toute l’énergie possible afin d’en vivre pleinement”, confie-t-elle.
Passionnée de sorcellerie depuis toute jeune, elle intègre sa pratique dans le quotidien : “Je considère que tout peut être magique tant que cela est fait en pleine conscience. C’est un style de vie !”
Une étincelle qui ne passe pas inaperçue auprès de sa "communau-thé" plaisante-t-elle.
“Je pense que j’arrive à toucher beaucoup de gens avec mes inspirations venant de fictions et de la pop culture et j’accompagne cela avec des produits originaux que l’on ne trouve pas dans le commerce", remarque Pauline.
Du côté des millenials comme des “Gen Z”, on dit donc adieu aux rendez-vous en cachette dans la forêt pour privilégier un partage au grand jour de son savoir-faire.
En deux trois clics vous pourrez trouver tout ce dont vous avez besoin entre tutos explicatifs, et grimoires illustrés. De quoi réussir votre potion d’amour pour la Saint-Valentin.
Trouver sa voie, et sa voix
Jade, qui tient le compte @sorcièreurbaine (et vient comme moi de fêter ses 31 ans) est devenue tarologue professionnelle il y a à peine quelques mois.
Pour elle, le premier confinement a été comme “une révélation”. “J'avais toujours eu l'envie de me lancer comme tarologue, mais dans nos sociétés cela ne fait jamais très sérieux. Et j'ai eu l'idée de Sorcière Urbaine”, explique-t-elle.
Son projet, au départ conçu comme un blog puis comme activité complémentaire, devient vite son travail principal. Preuve de l’engouement pour cet art ancien.
“Je tirais les cartes depuis des années, je me sentais prête à le proposer à d'autres personnes ayant besoin d'aide. Et puis l'évidence est arrivée, la magie opérait, je n'ai gardé que cette seule activité”, raconte-elle.
La sorcellerie, c’est donc une question de bien-être, de développement personnel, et c'est aussi trouver sa petite voix intérieure. Comme Pauline, Jade se passionne pour ces sujets depuis son enfance. Et grâce à son nouveau métier, elle s'imagine enfin pouvoir s'épanouir.
“C'est un univers qui m'a toujours beaucoup parlé, cette ouverture sur l'invisible, l'inexpliqué, l'inconnu”, assure-t-elle.
Pour certaines, il s’agit de se connecter au surnaturel, voire de revenir à des croyances païennes ou religieuses. Pour d'autres, devenir une pro des sciences occultes équivaut à se reconnecter à la nature, ou encore faire du bien autour de soi.
Dans tous les cas, c’est très souvent retrouver le plaisir un peu régressif d’enchanter sa vie de tous les jours. Quitte à travailler pour payer son souper, autant pouvoir ajouter à son chaudron un zeste de poudre de perlimpinpin.
Au-delà de l’aspect spirituel, culturel et psychologique, l’engouement pour ces professions peu communes répond à un besoin d’émancipation dans une société patriarcale oppressante.
Sidonie, qui a créé en 2020 @sorciere_box, proposant une box de sorcellerie par mois avec des produits soigneusement sélectionnés, voit dans son nouveau métier une manière de défendre ses engagements et valeurs.
"J’ai suivi des comptes qui traitaient le sujet sur Instagram et ça me faisait « rire » de voir des gens s’identifier comme sorcière", raconte-t-elle. "Puis j’ai compris que c’était aussi et surtout des idées féministes", poursuit-elle.
"Je me suis vite rendu compte que les sorcières étaient aussi des personnes qui tentaient de protéger notre planète, de se connecter à elle, à vivre avec la lune et les saisons. Je tirais les cartes, je militais pour ma liberté et celles des autres femmes, et je faisais très attention à l’écologie. J’ai fini par me dire « ah merde moi aussi je suis une sorcière ! » Je l’ai découvert et j’adore ça !", conclut Sidonie.
À l'image de Pauline et de Jade, son projet lui a également permis de s'épanouir et trouver une forme d'indépendance professionnelle après un temps de galères.
"J’avais fini mes études et je ne trouvais pas de boulot dans ma branche, j’enchainais les petits boulots, et comme je vivais encore chez mes parents, une petite voix dans ma tête m’a dit « ok, fais-le ». Puis c’était parti !", se souvient-elle.
Et son pari est payant. Depuis tout juste ce mois de janvier 2021, les commandes de sa box lui permettent enfin de vivre de sa passion. "Je suis absolument ravie de me lever le matin pour faire ce qui me passionne", se réjouit-elle."Je souhaite ça à tout le monde, ce n’est que du pur bonheur, vraiment."
Puisse le sort leur être favorable.
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